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Jamais
vu quelqu'un courir aussi vite
Deuxième
semaine :Les
militaires se doivent toujours de rester en forme physiquement. Au
sein des unités de combat il s'agit d'une priorité. On ne peut pas
être opérationnel avec une bande de crapauds.
Pour ce faire, le commandement veille à organiser régulièrement
des séances de sport. La base c'est le footing quotidien et
pas seulement pour les militaires.
Viennent ensuite les tractions et la musculation. Dans notre zone et
vu les circonstances, il va de soi que l'on a oublié de suite le
footing. Pas question de s'exposer en
petites baskets, sans
arme et sans protection à l'extérieure du poste, ni de prendre le
risque de sauter sur une mine. Je repense souvent à la mésaventure
de mes camarades de mon ancienne unité pendant la Guerre du Golfe.
Vers la fin des opérations, alors que tout était presque fini, ils
ont été faire un footing aux abords de leur campement.
Malheureusement une mine a explosée et blessée grièvement
plusieurs d'entre-eux. Un homme y a laissé une jambe. Aussi, nous
devons nous rabattre sur la musculation et les tractions car c'est le
plus simple à organiser en opération. Ceux qui tenaient ce poste
avant nous ont fabriqué de quoi faire un peu de muscu.
Outre l'existence d'un banc de fortune avec une barre et des poids
constitués de boîtes de conserve remplies de béton, il y a
l'incontournable et traditionnelle barre
de tractions. Elle est
fixée assez haut entre deux poteaux solidement ancrés dans le sol.
Je dois sauter pour m'y suspendre, après j'enchaîne les séries. ...
Les journées dans notre poste s'organisent en fonction du rythme des alertes lorsque les serbes et les bosniaques se mettent à se tirer dessus. Chaque jours, principalement le matin et le soir, ça se met à canarder dans touts les sens, aussi bien aux mortiers qu'à l'arme automatique et on s'accoutume peu à peu à touts ses projectiles qui transitent au dessus de nos têtes. Quand les impacts se rapprochent dangereusement du poste, l'adjudant nous somme d'aller nous mettre à l'abri dans les blockhaus. Quand la furie stoppe nous retournons frileusement à nos occupations. Entre deux alertes, et dès que j'ai l'occasion de passer à proximité, je bondi sur la barre de tractions pour en faire une dizaine puis je repars à mes activités. Avec tout l'équipement sur le dos, c'est encore une autre histoire. Certains se prennent au jeu avec moi et parfois la compétition bat bon train. Je rigole parce que je gagne toujours. Je suis le plus affûté. Du coup, je gagne un peu de respect chez certains mais je suscite aussi de la jalousie chez d'autres qui ne sont pas en forme pour tractionner. Des tensions s'installent inexorablement. L'adjudant a fait des comptes rendus précis de touts les tirs observés. Ils ont été transmis aux autorités de l'ONU basées à Sarajevo. Cela fait presque deux semaines que nous sommes présents sur la zone, lorsqu' un après-midi, le capitaine débarque subitement en trombe dans notre poste. Nous avons désormais pour consigne, lors du comptage des tirs observés, de regrouper les tirs par série de dix. C'est à dire, s'il y a dix tirs de mortier, cela fait un tir de mortier dans le compte rendu. De même, une rafale de dix tirs à l'arme automatique, cela doit faire un tir. En effet, le commandement a Sarajevo s'offusque de la quantité des tirs signalés dans les compte rendus. Une autorité a fait remarquer que ce n'était quand même pas La Première Guerre mondiale ! Très bien, nous respecterons la nouvelle consigne. Mais nous sommes un peu étonnés car les rapports ne refléteront plus la stricte réalité que nous subissons au quotidien depuis notre arrivée ici.
Les journées dans notre poste s'organisent en fonction du rythme des alertes lorsque les serbes et les bosniaques se mettent à se tirer dessus. Chaque jours, principalement le matin et le soir, ça se met à canarder dans touts les sens, aussi bien aux mortiers qu'à l'arme automatique et on s'accoutume peu à peu à touts ses projectiles qui transitent au dessus de nos têtes. Quand les impacts se rapprochent dangereusement du poste, l'adjudant nous somme d'aller nous mettre à l'abri dans les blockhaus. Quand la furie stoppe nous retournons frileusement à nos occupations. Entre deux alertes, et dès que j'ai l'occasion de passer à proximité, je bondi sur la barre de tractions pour en faire une dizaine puis je repars à mes activités. Avec tout l'équipement sur le dos, c'est encore une autre histoire. Certains se prennent au jeu avec moi et parfois la compétition bat bon train. Je rigole parce que je gagne toujours. Je suis le plus affûté. Du coup, je gagne un peu de respect chez certains mais je suscite aussi de la jalousie chez d'autres qui ne sont pas en forme pour tractionner. Des tensions s'installent inexorablement. L'adjudant a fait des comptes rendus précis de touts les tirs observés. Ils ont été transmis aux autorités de l'ONU basées à Sarajevo. Cela fait presque deux semaines que nous sommes présents sur la zone, lorsqu' un après-midi, le capitaine débarque subitement en trombe dans notre poste. Nous avons désormais pour consigne, lors du comptage des tirs observés, de regrouper les tirs par série de dix. C'est à dire, s'il y a dix tirs de mortier, cela fait un tir de mortier dans le compte rendu. De même, une rafale de dix tirs à l'arme automatique, cela doit faire un tir. En effet, le commandement a Sarajevo s'offusque de la quantité des tirs signalés dans les compte rendus. Une autorité a fait remarquer que ce n'était quand même pas La Première Guerre mondiale ! Très bien, nous respecterons la nouvelle consigne. Mais nous sommes un peu étonnés car les rapports ne refléteront plus la stricte réalité que nous subissons au quotidien depuis notre arrivée ici.
Une
nuit, l'alerte est donnée alors que tout semble calme et que l'on
n'entend pas de tir, exceptés les aboiements des chiens. Nous
bondissons hors de nos sacs de couchage. Après avoir enfilés en
catastrophe nos gilets-pare-balles et sautés dans nos rangers,
nous sortons du poste en disposition de combat, Famas
approvisionnés. L'adjudant nous positionne à différents
emplacements et nous donne l'ordre de guetter attentivement les
abords de notre position et ce malgré l'obscurité. Il n'y a pas de
jumelles I-L pour tout le monde. Nous en possédons seulement deux
pour la section. Nous apprenons que des intrus ont tenté de pénétrer
dans notre poste. Sacrilège, comment ont-ils pu oser ? C'est
donc vrai, on essaye de nous voler des armes ou peut-être pire, nous
saigner comme des cochons. C'est grave. Les nuits sont très fraîches
maintenant. Il gèle. Après une bonne heure à
se peler dans nos trous
de combat au beau milieu de la nuit, sans rien voir, dans un silence
inquiétant, l'ordre est enfin donné de revenir dans le poste, au
chaud. Les types ont dû s'enfuir ou bien se cacher quand ils ont
entendu que l'alerte était donnée. Je sent que l'adjudant est tendu
après cet incident nocturne. Il y a de quoi. On se sait pas ce qui
peut leur passer par la tête à touts ces types qui se font la
guerre. On ne pense pas qu'ils osent s'en prendre physiquement à
nous car forcément ils subiraient des représailles conséquentes
mais sait-on jamais, dans un moment de folie démesurée. Pourquoi
pas tenter un vol d'armes ou de matériels, voir une prise d'otages,
ça serait le bouquet ! Ils nous testent pour voir si on monte
bien la garde, surtout la nuit. Après avoir dû renforcer la garde
avec deux hommes supplémentaires, nous retournons dans la chambrée
pour essayer de dormir un peu avant le lever du jour.
Dés
l'aube, nous sommes sur le pied de guerre. Le petit-déjeuner est
expédié. Il y a urgence à renforcer la sécurité de notre
position. Un sergent s'active avec une équipe pour aller miner les
abords du poste. Cela va devoir se faire avec des grenades offensives
qui ne projettent pas de fragments de métal, à la différence des
grenades défensives qui sont à fragmentations. Seul le bruit de
l'explosion est traumatisant pour les oreilles. Ainsi le bruit de
l'explosion donne l'alerte sans
blesser personne, sauf
si l’intrus se trouve par malchance à proximité de la grenade
quand elle explose. Il risque de devenir sourd. Il n'ait pas
concevable que l'on blesse ou tue quelqu'un en tant que soldat de
l'ONU, même pour assurer la sécurité de notre poste. Il faut sans
cesse trouver des compromis pour accomplir cette mission. Ce matin
là, je prends le tour de garde avec un camarade. Nous sommes à
l'étage du poste d'observation et nous surveillons les environs. Au
loin, il y a déjà eu quelques tirs à l'arme automatique dés le
début de la matinée, comme à l'accoutumé, mais rien de
particulièrement alarmant. Le soleil brille. Il commence à
réchauffer sensiblement l’atmosphère, plutôt fraîche, de cette
belle journée d'automne qui s'annonce. Nous pouvons voir nos
camarades qui sortent du poste et s'engagent sur le petit sentier qui
descend vers la rivière. J'ai cru comprendre que l'adjudant
souhaitait piéger cet accès car il suspecte les intrus de la nuit
dernière d'être venus de là. Arrivés à proximité de la rive,
nos camarades se postent en disposition de combat et le sergent fait
quelques reconnaissances avant de commencer à installer son
dispositif de minage1.
L'équipe est plus ou moins à couvert dans de petits buissons. Tout
semble se dérouler normalement lorsque subitement ça se met à
canarder de la montagne d'en face. Avec mon camarade, nous sommes en
observation lorsque une rafale de balles vient impacter le mur juste
devant nous et certaines sifflent entre nous deux. Le temps d'une
fraction de seconde nous entrevoyons les éclats de brique à
quelques centimètres de nos visages avant de nous baisser
précipitamment pour nous protéger. Accroupis, nous relevons la
tête, face à face. Jamais je n'oublierai son regard plein de
consternation. Ces balles étaient pour nous, on a eu de la chance,
nous sommes indemnes.
Instinctivement, nous nous écartons vers l'arrière de la pièce. Je
préviens l'adjudant par radio que nous venons de nous faire tirer
dessus mais que nous ne sommes pas touchés. Il répond laconiquement
« reçu »
et ne nous donne aucune autre consigne particulière. Il y a un
blanc. Les tirs continuent mais semblent orientés plus vers le bas,
vers nos camarades près de la rivière. Avec une extrême prudence,
je me redresse légèrement pour essayer de voir ce qui se passe.
C'est alors que j'aperçois l'équipe qui remonte vers le poste au
pas de course excepté le sergent qui est resté en arrière et
semble, à tout prix, vouloir terminer la mise en place de son
dispositif de minage. Tout à coup les tirs s'intensifient et les
impacts de balles soulèvent de la terre et de la poussière très
près de lui. Il détale alors comme un lapin en direction du poste.
De l'autre côté de la montagne, ça continue à tirer. Scène
surréaliste. Cet homme qui court alors qu'on tire juste derrière
lui à l'arme automatique. A ses trousses, il y a une succession de
multiples petits nuages de poussières formés par les impacts des
balles au sol. Je n'ai jamais vu quelqu'un courir aussi vite.
Finalement il arrive au poste sain et sauf peu après son équipe,
tout pantelant et ruisselant de sueur. L'adjudant est là, calme,
alors que nous sommes tous excités par ce qui vient d'arriver. On
aurait pu y laisser notre peau, merde !
C'est pas tout les jours qu'on se fait tirer dessus comme cela. Tout
c'est passé si vite. On ne nous a pas donné l'ordre de riposter.
C'est peut-être mieux ainsi. Pas la peine d'envenimer la situation.
Nous prenons d'autant plus la mesure de notre vulnérabilité ici. On
est bien à la merci de ces dingues. Une chose est certaine, ces
types de l'autre côté de la montagne, ils ne sont pas d'accord pour
qu'on mine les environs. Ils ne sont pas contents et nous l'ont fait
savoir. Et il faudra faire avec. L'adjudant décidera de poursuivre
de nuit la mise en place de ce dispositif de minage aux abords de la
position. Ce sera plus discret. Par la suite, il est arrivé qu'une
grenade explose sans que l'on sache vraiment à cause de qui. On a
parfois pensé à un animal errant. En tout cas l'alerte était bien
donnée.
.....
Pour
veiller sur nos âmes en perdition, Dieu nous envoya un prêtre.
Quelques jours plus tard, l'aumônier militaire du bataillon débarque
dans notre poste. Je ne savais pas que l'on en avait un à
disposition, vu les circonstances peut-être a-t-il été dépêché
sur place par le commandement pour nous délivrer l'extrême onction
en cas de besoin. Cela n'est pas de bonne augure. Aurait-on réalisé
en Haut-lieu
que nous sommes vraiment exposé au pire ici ? J'en ai bien
peur. Cet aumônier militaire est un solide gaillard très
sympathique avec qui nous pouvons bien discuter. Pour ceux qui le
souhaitent il célèbre une petite messe à la demande. Parfois cela
se passe en plein air quand la météo et les activités
opérationnelles le permettent. J'y assiste volontiers mais nous ne
sommes que deux ou trois à chaque fois. No
comment.
Il reste rarement plus d'une journée parmi nous et visite toutes les
autres positions à tour de rôle. Il jouera un rôle de soutien
moral remarquable pendant toute cette mission. Toujours à notre
écoute, il sera présent lors des moments difficiles.
1Dans ce cas, l'idée est d'attacher une grenade à un arbre à environ 20 cm du sol puis de tendre un fil en travers du sentier. Fixé à la goupille de la grenade, lorsque le fil est tiré par un marcheur, il dégoupille la grenade qui explose.
1Expression qui signifie un rapatriement disciplinaire en France.
Illustration 1:
Interception de combattants
Illustration 2: Salle de musculation improvisée en plein air
Illustration : Prions Le Seigneur! Office en plein air célébré par l’aumônier du Bataillon
Illustration 4: Logo du tee-shirt bataillon
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