dimanche 1 mai 2016

Chapitre 5









5
Mission ravito à Sarajevo
Je viens d'apprendre la nouvelle, demain j’escorte un convoi logistique pour Sarajevo. Il est prévu de faire l'aller-retour dans la journée. Départ 7 heures. Réveil 5 heures pour mon groupe. Tout le monde est un peu stressé ce soir-là. C'est un peu l'inconnu pour nous. En effet, on n'est pas revenu a Sarajevo depuis le jour de notre arrivée, il y a maintenant presque deux semaines. Les nouvelles de là-bas ne sont jamais très réjouissantes. Outre le fait que les combats ne cessent pas, les incidents entre belligérants et forces de l’Onu s'accumulent. Rien de réjouissant d'aller dans cette ville. C'est la peur au ventre qu'on y va. Parce qu'on a pas le choix et qu'il faut obéir aux ordres. Avec notre VAB, on doit escorter deux camions de la compagnie. Tout cela pour assurer notre ravitaillement en vivres mais aussi pour aller chercher du matériel pour l'entretien de nos véhicules et récupérer de l'armement supplémentaire et des munitions. Chaque semaine, au moins un convoi de ravitaillement  est organisé entre notre base compagnie sur les Monts Igman et Tito barrack à Sarajevo. A tour de rôle les sections de combat fournissent l'escorte nécessaire et indispensable pour assurer la sécurité du convoi. Demain c'est nous qui y allons. Je suis tout de même un peu excité par cette mission, d'autant que je vais piloter moi-même le VAB. Je suis souvent désigné pour piloter aux cours des missions sensibles car je m'en sors mieux que mes camarades pour réussir les manœuvres délicates au volant de ce fichu VAB. J'ai un avantage de taille, presque un sixième sens. Ce n'est pas ma vue car je porte des lunettes. Mais j'ai grandi à la ferme de mes grands-parents et je sais conduire les tracteurs depuis mon adolescence. Ici c'est une expérience qui compte. On se déplace très souvent sur des pistes boueuses et il faut que le pilote du VAB sente précisément les réactions du véhicule blindé qui évolue sur ces éléments particulièrement gluants, visqueux et surtout glissants. Il faut un certain sens de l’anticipation et un savoir faire qui ne s’acquière que par une longue pratique de ce genre de situation. Un peu comme lorsqu’on laboure un champs. Les incidents se multiplient. Et presque tout les jours on entend parler du VAB d’une autre section qui s'est embourbé dans le fossé d'une piste. A chaque fois il faut mobiliser des moyens exceptionnels pour le sortir de ce mauvais pas, c’est-à-dire dépanneuse avec treuil, etc… Autant dire que cela ne fait pas plaisir au commandement. Alors quand il y a des bons pilotes, on les sollicite mais surtout on les bichonne, ils prennent moins de tours de garde et ils ont le privilège de pouvoir dormir un peu plus. A plusieurs reprises j'ai fait la démonstration de mes talents de conducteur dans des situations qui en ont terrorisé plus d'un. Ici ce n'est pas la vitesse qui impressionne car on se déplace souvent lentement sur ces pistes boueuses et chaotiques. C'est le sang froid et la maîtrise du pilote qui priment. Parfois ces pistes de montagne frôlent des ravins et des précipices où la moindre erreur d’appréciation peut être fatale. Nous en ferons la triste expérience. Il y a toutefois un avantage non négligeable à aller à Tito barracks, il parait qu’on peut y prendre une vraie douche. En effet, depuis notre arrivée sur les Monts Igman, l’hygiène corporelle est un problème considérable. Il n'y a pas de sanitaires dignes de ce nom dans notre zone. Tout juste une douche de campagne improvisée sous la tente militaire de notre poste section. Pas d'eau chaude, à moins d'avoir l'autorisation de l’adjudant d'en faire chauffer un peu, ce qui est rarement possible par manque de temps ou à cause des imprévus. Plusieurs fois j'ai tenté de me laver correctement mais cela a été compliqué. Souvent il fait très froid le soir et se laver à l'eau glacée c'est pas évident quand on a pas l'habitude. Avec la fatigue qui s’accumule, on est vite découragé. En journée la température est souvent meilleure mais on a pas le temps car on a toujours quelques choses d'important à faire et il y a toujours cette menace des tirs et des alertes qui nous obligent à être en permanence sur le qui-vive prêts a réagir. Pas question d’être en slip au moment d'une alerte. Quoiqu'il me semble l'avoir déjà vu.  On ne traine jamais longtemps pour faire sa toilette sous la tente. Souvent les gars ressortent rapidement en grelottant. Dans le même style, les feuillets ne brillent pas par le propreté. Heureusement que le froid et le gel ont tendance à tout figer, même les odeurs. Finalement on commence à s'habituer à notre crasse et aux mauvaises odeurs. Les cheveux poussent vite aussi et pas le temps de se shampouiner et de faire un broching. Certains sont adeptes pour se raser radicalement le crâne. L’adjudant est formellement contre. Des tensions s'installent à ce sujet. De plus, le commandant d’unité a donné l'ordre que nous devions tous nous laisser pousser la moustache. Sans doute pour essayer d'intimider les combattants qui nous entourent. Je doute qui leur en faille un peu plus. J’hésite à obéir à cet ordre. Je finirai par m'y résigner peu à peu.
A l'aube d'une journée d'automne grisâtre sur les Monts Igman, nous voilà en route pour Sarajevo. L' adjudant d’unité de la section de commandement de la compagnie est en charge du convoi. C'est un grand costaud un peu patibulaire, plutôt réservé mais assez sympathique. Nous avons perçu un complément de munitions individuelles. Sur notre VAB on a monté une mitrailleuse de 12,7mm et un de nos gars est prédisposé à sa mise en œuvre en cas de nécessité. Nous n'avons pas oublié non plus chacun notre trousse de toilette ainsi qu’une serviette dans la perspective d'une douche purificatrice, le tout soigneusement mis au fond de notre musette avec notre repas froid prévu pour midi. Nous faisons en sens inverse le trajet emprunté quinze jours plus tôt pour nous rendre sur nos positions. Les virages dangereux s'enchainent sur la route défoncée. Nous franchissons le check-point de Babindol et saluons au passage nos confrères de la compagnie du génie qui sont en charge de ce poste de contrôle. Bizarrement, tout semble assez calme. Nous filons ensuite vers Sarajevo où rien n'a changé. Les premiers faubourgs sont toujours en ruine comme tout les immeubles à perte de vue. Cette ville transpire la mort, la peur et l'angoisse. Tout n'y est plus que désolation. Nous empruntons à vive allure « sniper avenue », avenue lugubre et tristement célèbre désormais dans le monde entier. En effet, bons nombres de tireurs embusqués dans ce qui reste des immeubles environnants ont bien faits parler d'eux en tirant régulièrement sur des passants ou même des casques bleus, tuant au petit bonheur la chance. Ici, à chaque instant la mort peut frapper aveuglement. A l'abri dans nos VAB on se sent un peu plus en sécurité, certainement un peu moins pour ceux qui sont dans les camions que l'on escorte car ils ne sont pas blindés. Un tir de sniper bien ajusté et adieu le conducteur ou son chef de bord. Après, si on nous tire dessus au lance roquette anti-char, on a peu de chance d'en réchapper, même dans le VAB. On finit tous griller comme des merguez. Y aura plus qu’à renvoyer ce qui restera de nos dépouilles à nos familles en France. Heureusement pour cette fois-ci, nous nous présentons sains et saufs aux abords du quartier général de Tito barracks. Quelques centaines de mètres avant l'entrée et le poste de sécurité, nous distinguons sur des parkings divers types de véhicules militaires d'origines diverses tous repeints en blanc et estampillés UN. Au bord de la route, il y a même un BTR 70, véhicule blindé de transport de troupe russe, au design élancé bien caractéristique . C'est une première de voir un tel engin d'aussi prêt. Finalement c'est avec soulagement que nous pénétrons dans l'enceinte de Tito barracks. Nous y sommes toujours plus en sécurité qu'ailleurs dans la région. Quoique, un bon tir d'artillerie ou de mortier pourrait y faire de sérieux dégâts. N'y pensons pas. Ces bâtiments militaires de l’ex-armée fédérale de Yougoslavie qui portent le nom de son ancien chef d’État Tito, sont désormais le siège de la FORPRONU à Sarajevo. La sécurité est censée y être assurée au maximum. Nous découvrons les lieux avec un grand intérêt. Avant la douche dont tout le monde parle avec frénésie, l'adjudant a des choses importantes à faire. Tout le reste de la matinée nous devons charger du ravitaillement dans un des camions, ensuite il faut aller percevoir divers matériels pour la maintenance des VAB ainsi que de l'armement. Une fois que le travail est fait et que nous sommes prêts à repartir, nous disposons de deux petites heures de quartier libre dans Tito barracks. Quel luxe ! Après que l'adjudant nous ait montré le bâtiment prévu à cet effet, et après avoir désignées deux sentinelles pour garder nos véhicules, nous fonçons droit vers la douche. Quel bonheur de pouvoir enfin se laver à l'eau chaude, même tiède. Dans les douches c'est l'excitation générale. C'est la première fois que l'on se marre autant depuis notre arrivée en Bosnie. Certains chantent, d’autres chahutent. L'adjudant est même obligé de pousser une gueulante pour calmer un peu tout le monde. On est pas en colonie de vacances ici. Une fois bien récurés et propres comme le jour de notre première communion, nous partons en quête du foyer de Tito barracks, réputé pour son achalandage et son grand choix en articles divers et variés. Il faut préciser que dans toutes les unités militaires de France et de Navarre, le foyer est le lieu de détente par excellence dans l’enceinte même de l’unité pour les militaires du rang. On peut y acheter des cigarettes, des boissons et divers petits articles nécessaires à la vie courante. Il y a souvent un bar et des jeux. Selon l'importance et la taille de l’unité, son foyer peut être plus ou moins imposant. Je me souviens de mon ancien régiment à Sarrebourg dans l’Est de la France, qui était immense, plus de 1200 hommes. Son foyer était à la mesure des besoins. Il y avait un bar digne de Chicago, avec bière à la pression, certains s'y sont rendus malades… Mais aujourd'hui, pas question de boire d'alcool, c'est formellement interdit car nous devons reprendre la route pour les Monts Igman en fin d’après-midi. Tout le monde doit avoir les idées claires, surtout en cas d'accrochage ou d'incident. Deux d'entre-nous déjà douchés remplacent les deux sentinelles qui peuvent aller se doucher à leur tour. Ils seront remplacés dans un moment pour pouvoir aller faire des achats au foyer. Après divers détours entre plusieurs bâtiments nous découvrons enfin l’entrée de ce mystérieux foyer. En fait il est tout petit et je suis un peu déçu. On y trouve quand même un grand choix de cigarettes et on peut faire le plein de paquets de Marlboro rouge, très recherchés sur Igman. Bizarrement ce foyer est situé à une des extrémités de l'enceinte militaire. A quelques mètres se trouve un mur couvert de plusieurs rangées de concertina afin d’empêcher l’accès aux intrus en provenance de l’extérieur. A ma grande stupéfaction, derrière ces barbelés il y a une bonne dizaines d'enfants en guenilles qui nous tendent leurs petites mains sales en scandant avec un fort accent étranger « bonbons, bonbons ». Ce sont des petits bosniaques, victimes de cette guerre, ils sont réduits à venir mendier là où il y a quelques choses à prendre, c’est-à-dire aux abords des camps militaires de l'ONU. Ils sont maigres et mal habillés. Les traits de leur visages sont tirés, leurs yeux hagards. Stigmates des souffrances qu'ils endurent. Sans doute sont-ils orphelins ? Qui sait ? Affamés, inlassablement ils tendent leurs petites mains au travers des barbelés en répétant « bonbons, bonbons », un des seuls mots de français qu'ils connaissent. Je suis prostré devant cette scène aussi surréaliste que tout ce que nous vivons ici au quotidien. C'est la première fois que je côtoie la misère humaine d'aussi prêt. Cette vision d'enfants derrière des barbelés, les mains tendus pour demander secours, a des relents de camp de concentration, à la différence que la prison est dehors ici. L’émotion me submerge, ces enfants dans le malheur, à moins qu'ils ne jouent la comédie. Cela n'est pas pensable. Au loin, une rafale d'arme automatique raisonne et me ramène à la dur réalité. Le cœur serré, je retourne au comptoir du foyer et j’achète une bonne dizaine de paquets de Twix, mes barres chocolatées préférées. Dehors, je m'approche au plus près des barbelés, au plus prés de ces enfants, qui semblent un instant devenir heureux en me voyant approcher avec quelques choses à leur donner. Avec le plus de délicatesse possible je leur lance les Twix, pour ne pas avoir l'impression de jeter de la nourriture à des fauves en cage, mais de donner quelques choses à d’autres êtres humains. Ils se battent presque pour récupérer le butin mais au final ils ont tous au moins chacun un paquet dans leurs mains. Ils s'apaisent un instant. Tout en commençant à dévorer leurs barres chocolatées et en me regardant avec un sourire à peine perceptible, ils prononcent avec leur accent des « merci » qui me bouleversent profondément. Des tirs d’armes automatiques continuent à se faire entendre dans le lointain, nous rappelant sans répit l’existence de cette guerre. Le cœur déchiré et les larmes aux yeux, je leur fais un petit signe de la main. Je les regarde un dernier instant avant de m'en aller. Après avoir fait quelques pas, je me retourne une dernière fois. Des idées terrifiantes me traversent l'esprit. Peut-être que ces enfants seront morts bientôt, demain ou dans quelques semaines, morts de faim ou de froid ou alors sous les balles, ou pire encore dans des souffrances atroces, victimes de salopards pervers. J’aurais ainsi croiser leur terrible destin pendant cette courte rencontre, je leur aurais sans doute un peu réchauffé le cœur en leur offrant ces quelques friandises, je leur aurais donné un peu d'espoir et de réconfort dans leur grand malheur. Peut-être se souviendront - ils de ce petit moment de bonheur s'ils survivent à cette horrible guerre. Mes camarades semblent aussi être bouleversé par ces enfants mais chacun dissimule son effroi. Emus, nous retournons aux véhicules car l'heure du départ approche. Le chemin du retour se passe sans encombre et nous retrouvons notre poste section à la nuit tombée, content d'avoir survécus à cette mission. Quand on ne se fait pas tirer dessus, tout parait beaucoup plus simple. Je repense à ces enfants, à peine plus âgés que mes propres filles. Que vont-ils devenir dans cet enfer ? Quel avenir ont-ils ? Je retournerais plusieurs fois en mission à Tito barracks au cours des opérations pendant notre mandat mais jamais je ne reverrai ces enfants. Je ne saurai jamais ce qu'ils sont devenus dans l'enfer de Sarajevo. Le train-train du quotidien reprend son cours dans notre poste section. On fume de plus en plus de cigarettes. Mon stock de Marlboro rouge fond comme neige au soleil. J'ai refilé quelques paquets aux copains. Nous pratiquons des échanges de bons procédés entre nous. De même, nous avons tendance à consommer de plus en plus d'alcool. L’adjudant a vu venir l'affaire. Il tente d’imposer des règles. Nous devons nous limiter à un verre de vin en mangeant et à une ou deux bières le soir. Ce n'est pas toujours facile à respecter. Tout dépend des circonstances et de l'ambiance du moment. Un beau matin, un vieux bosniaque se présente à l’entrée du poste. Il n'a pas très fier allure. Il est très maigre, mal rasé et porte une vieille redingote bien usée. Il ne semble pas armé. En tout cas , il n'a pas de Kalach. A y regarder de plus près, il a bien un vieux flingue à la ceinture qu'il trimbale comme John Wayne. Nous engageons la discussion avec lui mais c'est très difficile car nous ne comprenons rien à ce qu'il nous raconte en bosniaque et ce n'est pas mieux en anglais. Il n'a presque plus de dents et il parle très difficilement. Ce que c'est de devenir vieux ! De plus, notre interprète n'est pas là. Et puis voilà qu'il sort de sa veste une bouteille de gnôle et qu'il se montre plus insistant à vouloir partager quelque chose avec nous. Par politesse, nous le laissons rentrer dans notre poste. Très vite nous comprenons ce qui l’intéresse. Non seulement il insiste pour que nous goûtions sa gnôle mais il veut nous échanger sa bouteille contre de la nourriture et des cigarettes. Nous goûtons son produit qui est vraiment une boisson d’homme ! Ça nous fait direct un trou dans l'estomac. Même si cet alcool local est abominablement fort, nous acceptons le marché. Après quelques tractations, au final, cet ancien repart avec quelques paquets de clopes ainsi qu’un sac rempli de friandises et d'aliments divers qui ne devraient pas trop nous faire défaut, vu que l'on est relativement bien ravitaillé. Il a l'air très satisfait et nous prodigue ses adieux en bosniaque très chaleureusement. Nous voilà désormais dotés d'une bouteille de gnôle locale pour la goutte avec le café. Cela ne va pas arranger les choses, ni notre santé. L'adjudant fait les gros yeux mais il ne confisque pas la bouteille. Elle est placée religieusement sur une étagère comme un trophée de guerre. Faudra suivre de près la descente du niveau de la gnôle à l’intérieur. Je n'ai pas souvenir qu'elle est fait de vieux os. Toutefois, nous sommes tous d’accord pour admettre une chose. Le fait d’avoir accepté de faire du troc avec ce vieux messieur bosniaque va certainement ce savoir dans les environs, au moins dans les rangs bosniaques, ce qui nous permettra d’être mieux vu de ce côté là. Mais aussi d’éviter de se prendre une balle en pleine tête. En effet, si nous avions renvoyé balader ce visiteur, peut-être que cela aurait fortement déplu, déjà que l’on est pas trop aimé dans le coin. Du coup, une fois ajusté dans la lunette d’un tireur d’élite, certains d’entre nous l’aurait payé très cher sans comprendre pourquoi. Et je suis convaincu que certains des casques bleus pris pour cible par des snipers l’ont été par vengeance du fait de mauvais comportements ou de mauvaises paroles de la part de certains sur place. Nous ne sommes pas chez nous et il est extrêmement risqué d’envoyer balader qui que ce soit, au risque de représailles sanglantes, surtout en Bosnie. Une fois planqué à des centaines de mètres, il est facile pour un sniper de se faire justice lui-même ou pour quelqu un d autre, d autant que dans une bonne lunette de tir on peut reconnaître les visages de ceux qui ont mal parlé ou ce sont mal comporté envers un compatriote. Sans doute est- ce là une des explications plausibles à touts les tirs de sniper visant des casques bleus à Sarajevo. Certainement pas la seule. Ce jour-là, nous avons fait une bonne action et surtout un bon investissement pour notre assurance-vie dans le secteur, sans doute serons-nous moins en ligne de mire. Une des clés pour assurer sa survie ici, c’est sans aucun doute la politesse et la diplomatie envers les bosniaques. Mes cheveux ont poussé et ça me gratte. Finalement un après-midi, je me fais raser le crâne contrairement à la consigne de l’adjudant. Nous avons une tondeuse à cet effet et il est très facile de retirer le sabot pour faire une boule à zéro. Le soir même, au moment de passer à table, c'est le cœur battant que je me découvre la tête devant l'adjudant. Il me fustige du regard mais ne dis rien. A partir de ce moment, nos relations vont être tendues. Les autres gars de la section reconnaissent mon courage et certains font de même quelques jours plus tard, ce qui ne fait qu'en rajouter à la colère sourde de l'adjudant. Quelque part je suis convaincu d'avoir raison, ici il n'y a pas moyen de se laver correctement et les cheveux qui grattent en permanence c'est plus qu’insupportable. Cette petite rébellion me suivra très longtemps, même plusieurs mois après notre retour en France. Et malgré mes bons états de services pendant cette mission, l’adjudant ne me le pardonnera jamais.






Sarajevo - automne 1994
Tour de contrôle de l'aéroport de Sarajevo

BTR 70


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